Marie-Laure de Decker

Publié le par anne

Un coup de coeur: la photographe Marie-Laure de Decker. Elle a connu jeune la guerre du Vietnam (n'ayant pas d'acréditation française elle a suivi des troupes américaines). Elle a décidé désormais de se consacrer à un peuple pacifique. Les premières photos que j'ai vu d'elle sont deux autoportraits, à 30 ans d'intervalle. C'était fascinant de voir les similitudes et les différences. Pas seulement dans le visage, mais aussi dans le cadrage, la façon de tenir l'appareil photo. La photographie me fascine. Fixer ce qui déjà n'existe plus. Le texte de présentation est tiré de son site internet: www.marielaurededecker.com


"Un de mes premiers souvenirs est qu'à cinq ans mon père m’a offert « du Tchad au Rhin », un livre qui m'a beaucoup frappée. J’allais au musée du Louvre chaque semaine, c'était l’unique endroit où je pouvais me rendre seule. À 17 ans j’ai été admise dans un école de dessin, j’y ai découvert la liberté, j’ai visité mes premières expositions de photographies, chez Delpire, rue de l’abbaye. À cette époque je fréquentais le café « La palette ». Mes amis les frères Merlin sont arrivés à ce moment là dans ma vie. Dominique était le caméraman du film sur le Vietnam de Pierre Schoëndorfer, « La section Auberson », pour « Cinq colonnes à la une ». Dès lors je n’avais qu’une idée en tête : aller au Vietnam et moi aussi faire ce métier. En 1967 je voulais absolument faire partie de l’équipe de l’agence Gamma. Il y avait Gilles Caron, un photographe exceptionnel, mais il me fallait faire mes preuves. Je suis partie pour Saïgon en septembre 1969, travailler pour l’hebdomadaire américain Newsweek. En 1972 j’entrais à Gamma. Les reportages se sont enchaînés, le Chili, le Mozambique, la Russie, l’Afrique du sud. En 1975 je suis arrivée au Tchad au moment de la prise d’otage de Françoise Claustre, j’y retourne depuis très souvent. Quand mes enfants sont nés en 1983 et 1987, j’ai commencé à faire des photos pour la mode et la publicité. En 1993, malgrè ma vie de famille, je suis allée en Bosnie, mais ce sera ma dernière guerre. Et puis il y a l'Inde, Bénarès... Depuis 2002, j’ai trouvé mon idéal, des gens qui ne se battent pas, qui s’aiment : les Woodabés du Tchad, un peuple d'éleveurs nomades que j’admire et dont j’ai décidé de photographier chaque visage.

Les Woodabés, Peuls du sud du Tchad, figurent parmi les derniers nomades d’Afrique. C’est un peuple pastoral, très attaché à ses vaches rouges aux immenses cornes. L’élevage est leur seul métier puisque pour eux, tout le reste n’est que mensonge ; leur grandeur et leur notoriété se mesurent au nombre de vaches qu’ils possèdent. C’est aussi leur force, leur vie, la garantie de leur totale autarcie. Sans elles, ils se sédentarisent et perdent leur culture. Depuis les temps les plus anciens, les Woodabés ont observé que chez les oiseaux, les mâles sont souvent plus beaux et plus spectaculaires que les femelles. Au cours de leur fête annuelle du Worso les hommes se maquillent, se parent et reproduisent les gestuels et les sons des parades d’oiseaux pour séduire les femmes. Ainsi, celles-ci ont plusieurs jours pour choisir l’homme avec lequel elles partiront et resteront tant que l’amour entre eux demeure. Les Peuls ont une morale très stricte : le Poulakou, qui comprend trois vertus : la patience, la conscience et ne jamais être dans une situation de honte, comme le vol et le mensonge. Si les troupeaux des Woodabés attisent les convoitises, c’est l’originalité de leur culture qui en fait un peuple menacé. On dit qu’ils maîtrisent la magie, ce qui les fait parfois craindre. Mais leur résistance est quotidienne pour préserver leur mode de vie. Ils souhaitent dire au monde que l’on peut vivre autrement et qu’eux-mêmes sont encore vivants. Ils sont pour moi l’honneur de l’humanité".




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A
merci de m'avoir fait connaître cette autre humanité...
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